Le jardin du Nô est un miroir absolument pur. C’est le jardin de la Vraie Nature de l’Esprit.

Vide d’abord, le jardin lui-même est sans forme. En ce jardin, à l’infini, apparaissant, disparaissant, s’y reflètent des formes multiples, portées par le mystère, telles les figures vagues et mouvantes de Komparu Zenchiku.

En ce miroir, sans exception, toute forme peut s’y réfléchir, sans qu’aucune s’y attache pour autant, du fait que le miroir est toujours vide.

Cette anthologie de théâtre Nô réunit quatorze pièces, écrites au XVe siècle par Komparu Zenchiku. La plupart lui sont attribuées sans discussion, d’autres avec une probabilité très manifeste.

Ses œuvres dramatiques nous plongent dans un monde souterrain envoûtant, dans lequel les rituels du Nô prennent une dimension ésotérique presque douloureuse en ce qu’ils sont l’expression d’une tentative brûlante et anxieuse de toucher au sacré. Elles sont empreintes de force, d’élégance et de mystère et ne comportent que peu d’actions. Leur densité dramatique découle de situations stagnantes dans lesquelles les personnages se retrouvent prisonniers. Les paysages sont le plus souvent lugubres, traversés par des rais de lumière fulgurants.

S’inspirant de l’immense travail théorique de son beau-père Zeami, Zenchiku en prolonge la portée en abordant dans son œuvre diverses questions relatives à la poétique du Nô et à sa nature spirituelle. Son discours est aussi bien éclairé par la culture mythique du Shintô que par les trois enseignements: confucianisme, taoïsme et bouddhisme ésotérique.

Préface de Frédéric Girard